Un petit texte de Daniel Gaillard (2000)
J’ai vu de très loin,
très loin
sur un horizon d’écorces crispées,
au milieu de la clairière,
en vedette,
auréolée de lumières,
de lumières filtrées par un nuage admiratif,
j’ai vu de très loin,
très loin,
l’orgueilleuse,
la prétentieuse,
la divine coulemelle
qui se protège,
avec son ombrelle
de sa gloire fugace.
J’ai deviné
plus loin,
plus loin encore,
dans la grisaille de l’automne multicolore,
au pied d’un arbre dénudé,
un arbre tétanisé dans le froid,
le froid du soleil absent ;
J’ai deviné plus loin,
plus loin encore
sous les haillons des feuilles mortes,
le timide chant d’espoir,
la complainte d’espérance
d’une chorale de trompettes.
J’ai été tenté par les couleurs scandaleuses
d’un groupe de catins
qui s’affichent
enjôleuses
au coin du bois,
avec, sur le rouge de la honte,
les mouches blanches de la tentation.
Par prudence
j’ai évité l’innocence verdâtre,
de l’isolée,
de la proscrite,
de la sournoise marâtre qui offre
ingénument,
facilement,
si facilement
son alchimie vénéneuse.
Embusqué, à l’orée du bois,
prétentieux de sa mâle raideur,
impudique,
indécent,
auréolé de vermines,
un phallus m’a agressé.
J’ai ri de son impuissance
car il ne tient jamais ses promesses.
Et j’ai fui,
j’ai fui l’insoutenable de sa décadence pestilentielle.
Au détour d’un buisson nu et frissonnant,
discrètement
je me suis assis,
dans la mousse humide,
dans vent qui s’en va Nulle part,
dans la nuit qui s’en vient
d’ailleurs.
je me suis assis,
transi, égaré, éperdu.
J’ai écouté…
Presque invisible sous les reliquats de l’été,
dans le brouillard froid et mystérieux,
j’ai écouté
une discrète,
une secrète assemblée aux couleurs azurs paisibles,
un peu passées,
surannées.
J’ai épié leurs murmures indistincts
mais le vent complice disperse
leurs conciliabules interminables et vains.
Cette assemblée,
ce cercle très fermé,
engourdi,
figé dans l’impuissance de la froidure,
rassemble de doux rêveurs sans danger
qui dissertent frileusement sur l’été perdu.
Ce sont des poètes que l’on surprend,
transis,
couleur du temps,
les pieds bleuis par le froid.